Une équipe de chercheurs transforme le code génétique d’une plante. Un « whiz-kid » de treize ans écrit le code source d’un nouveau virus informatique. Dans le cerveau d’un enfant, des synapses se renforcent à l’écoute des mots « rêve » et « lune ».
Notre imaginaire social est empreint d’une certaine idée: celle du langage conçu comme source de création et de changement. Combinés les uns aux autres, les mots deviennent code, formule, poésie: ils se trouvent soudainement chargés non seulement d’un sens nouveau et unique, mais d’une identité, d’un souffle vital, d’une volonté propre.
Ce mythe n’est pas nouveau: l’histoire est parsemée des traces de ses multiples incarnations. Dans les religions révélées, l’écriture et la parole sont les moyens d’action de la volonté divine. Ainsi débute l’Évangile selon St-Jean: « Au commencement était le verbe. […] Et le verbe fut fait chair. »
Celui qui perce les secrets du langage, celui qui en comprend les rouages, peut donc accéder au divin. Alchimistes, cabbalistes et sorciers du passé ont fait place aux biochimistes, programmeurs et neurologues du présent. Au fil du temps, à travers leurs propres écrits, ces poètes contribuent à perpétuer le mythe de la parole qui crée, qui engendre la vie.
Cette idée est intimement liée à la construction de l’identité à travers le langage, le dialogue avec l’autre et avec la nature. Les mots ne sont, en soi, que des amalgames ordonnés de lettres qui sont, à leur tour, de simples symboles formés à partir de traits. Il n’y a vraiment rien« derrière eux »: en soi, ils sont vides. C’est dans leur interrelation qu’ils prennent vraiment vie.
Le présent projet propose au spectateur d’interagir, par le biais du texte écrit, avec des entités artificielles surnommées vévés. En dialoguant avec un vévé, le spectateur lui apprend de nouveaux mots et de nouvelles relations sémantiques. Un jeu de composition se met en place alors que l’interacteur et le vévé s’influencent l’un l’autre dans la construction d’une poésie interactive. À travers ces échanges, les vévés évoluent, se complexifient, surprennent: loin d’être stagnants, ils semblent animés d’une volonté propre.