Le lieu choisi agit en résonance avec l’oeuvre: la marina est une voie d’accès reliant la ville et la mer. L’œuvre est accrochée à un faux ponton intégré à la marina. Une fenêtre en plexiglas permet aux utilisateurs de la marina et aux visiteurs d’observer ses mouvements et réactions sous-marines. Créature intrigante, à mi-chemin entre le biologique et l’artificiel, sa présence provoque différentes réactions allant de la curiosité à l’inquiétude. Chez les utilisateurs réguliers de la marina, la relation avec l’œuvre évoluera au cours de l’été alors qu’elle deviendra de plus en plus familière.
Détail
Sous la surface de l’eau s’articulent seize (16) sondes submersibles, soit huit (8) sondes blanches et huit (8) sondes noires. Les sondes blanches disposent à leur embout d’une électrode générant un faible potentiel électrique et d’une cellule photosensible. Une seconde électrode reliée à un transistor leur permet de créer une réaction d’électrolyse et, par la même action, de générer des variations de courant sous l’eau. Les sondes noires possèdent quant à eux une paire senseur-actuateur inverse: une électrode mesurant le potentiel électrique et une diode électroluminescence à intensité variable.
Les sondes agissent de manière indépendante. Elles ont comme mécanisme commun de convertir les données de leurs senseur en une forme d’énergie (virtuelle) leur permettant d’activer leurs actuateurs.
Les sondes blanches fonctionnent à la manière d’accumulateurs. Elles accumulent l’énergie provenant de la lumière perçue et, une fois atteint un certain seuil, la relâchent en produisant de l’életrolyse.
Les sondes noires sont plus complexes. Leur énergie provient de la baisse de potentiel induite par les sondes blanches lors de la réaction d’électrolyse. Plus la lumière qu’elles génèrent est faible, plus elles gaspillent rapidement leurs réserves d’énergie. Leur comportement est dicté par un algorithme d’apprentissage par renforcement agencé à un réseau de neurones artificiel. Elles sont animés par un désir conflictuel: celui de maintenir une faible intensité lumineuse tout en évitant de vider leurs réserves d’énergie. Lors de leur initialisation, elles n’ont aucune connaissance de leur environnement et leurs actions sont aléatoires. Par essais et erreurs, elles apprennent à se stabiliser en fonction des ressources disponibles et des conséquences de leurs actions passées.
De temps à autre selon un cycle régulier, l’ensemble des sondes entre dans une phase de brouillement qui se manifeste par un clignotement rapide. Au cours de cette phase, les réseaux neuronaux des agents sont brouillés. Ceci a pour effet de déstabiliser les agents qui se remettent à agir de manière plus erratique et exploratoire.
À travers ces phénomènes se crée ainsi un couplage symbiotique en constante négotiation, non seulement entre les deux types de sondes qui se répondent l’une à l’autre, mais également avec le milieu dans lequel elles baignent. En effet, les qualités de l’environnement, tels la lumière du soleil et la conductivité de l’eau, viennent influencer le comportement des agents.
Ce couplage dynamique résulte en un phénomène global, émergent, alors que les sondes deviennent, à travers leurs interactions, les composantes d’une seule entité.
Desloges, Josianne. Séjour temporaire à Carleton-sur-Mer: fantaisies touristiques. Le Soleil, 13 juillet 2013.